Notre méthode de conception avec usagers en architecture : l’Exploration Collective



L'Exploration Collective (EC) représente une approche novatrice dans le domaine de la conception architecturale, particulièrement pertinente pour les projets de rénovation de logements sociaux. Cette méthode se distingue par sa nature participative, où les usagers jouent un rôle central dans le processus de conception. Elle vise à créer des espaces qui répondent mieux aux besoins et aux aspirations de l’ensemble des parties prennantes d’un projet, en facilitant une collaboration active.

L'EC s'inscrit dans une démarche de codesign. Les usagers, considérés comme des partenaires à part entière, sont impliqués dès les premières étapes de la conception. Cette collaboration permet de recueillir des informations précieuses sur les expériences vécues et les attentes des résidents, enrichissant ainsi le processus créatif. Cette approche participative en architecture conduit à des solutions plus durables et satisfaisantes pour les communautés concernées.

Par ailleurs, l'EC favorise une meilleure appropriation des espaces par les usagers. L'implication des résidents dans les projets d'aménagement urbain renforce leur sentiment d'appartenance et leur engagement envers leur environnement. En permettant aux usagers de co-concevoir leur espace de vie, l'EC contribue à la création d'un cadre de vie qui reflète véritablement leurs besoins et favorise de pouvoir d’agir.

L'EC propose ainsi un modèle itératif et adaptable comportant quatre grandes étapes : « Rétrospection », « Narration », « Projection » et « Itération ». Ce cadre s'écarte des méthodologies linéaires ou séquentielles traditionnellement employées en architecture, qui présente des limites en termes d'adaptation aux besoins des parties.


  • Phase 1 : Rétrospection

    La phase 1 de votre méthode se concentre sur la création d'un récit commun autour d'un territoire et de ses habitants. Cette étape est fondamentale pour établir un bilan social et spatial, permettant de rassembler et de mobiliser un groupe grâce à un récit fédérateur qui renforce la cohésion sociale. Inspirée des travaux de Kimbell et Jullier, ainsi que de Sanders et Stappers, cette phase implique l'exploration du contexte et des parties prenantes du projet. Elle vise à comprendre les dynamiques, les forces et les faiblesses du milieu concerné.

    L'approche s'appuie sur la collecte et l'analyse des récits personnels des usagers, intégrant la notion de démocratie narrative de Rosanvallon. Ces récits personnels aident à contextualiser les enjeux et à stimuler l'engagement civique. De plus, l'utilisation de méthodes ethnographiques, comme l'observation participante, enrichit la compréhension des expériences et perspectives des usagers.

    Cette étape met en avant des voix souvent marginalisées dans les processus décisionnels traditionnels. Elle cherche à encourager l'expression diversifiée et critique des différentes perspectives et expériences, modifiant ainsi la dynamique habituelle entre les administrés, les maîtres d'œuvre et les maîtres d'ouvrage vers un débat plus ascendant.

    En outre, la création d'une histoire locale capture un instantané du quartier et mobilise les résidents autour d'un récit partagé. Ce processus, qui sert de catalyseur pour « briser la glace », déclenche une dynamique collective, favorisant la participation active et renforçant la cohésion sociale.

    D'un point de vue opérationnel, cette phase vise à établir une communauté résiliente et engagée dans des actions collectives.

  • Phase 2 : Narration

    La Phase 2 est une étape clé pour la clarification des besoins . Elle vise à appréhender les besoins, motivations, et défis des parties prenantes. Cette phase implique une analyse approfondie des données recueillies pour identifier les enjeux essentiels du projet.

    Les concepteurs synthétisent les résultats de la recherche, identifient les thèmes principaux, co-créent des solutions et évaluent les propositions. Cette méthode permet de comprendre les besoins, attentes et frustrations des usagers, qui sont encouragés à partager leurs préférences et expériences. Des techniques d'enquête empirique comme l'observation directe, les entretiens qualitatifs et l'analyse de données secondaires sont utilisées pour obtenir un aperçu détaillé des besoins et défis des parties prenantes.

    Cette étape crée une base de connaissances solide pour les phases ultérieures de conception et offre une opportunité aux parties prenantes de trouver un consensus sur les problématiques clés. Elle vise à construire un cadre partagé de compréhension qui guidera le projet.

    En outre, l'identification des besoins permet d'évaluer les dynamiques socio-économiques et environnementales plus larges, et d'intégrer ces considérations dans une « matrice du changement ». Cela permet au projet d'adopter une vision holistique et favorise une discussion critique et créative entre les participants. Le carnet de restitution résultant de cette phase sert de document de référence et d'outil de mobilisation pour les étapes futures du projet, y compris les ateliers projectifs.

  • Phase 3 : Projection

    La Phase 3 du processus, intitulée est axée sur la conception et la génération d'idées innovantes. Cette phase implique le développement de concepts, prototypes et solutions répondant aux besoins identifiés des parties prenantes. Les architectes et les usagers collaborent en utilisant des outils génératifs tels que le brainstorming et le prototypage pour transformer les idées en objets physiques. Cette phase est caractérisée par son approche itérative, où les idées et prototypes sont régulièrement testés et affinés en fonction des retours des usagers.

    Cette étape favorise l'apprentissage et la pensée à travers la manipulation physique d'objets. Les « Objets Intermédiaires » comme les maquettes et prototypes jouent un rôle clé, servant de médiateurs entre les différents acteurs et aidant à organiser le processus de conception.

    Les principes du « Design Thinking » et du « User-Centered Design » sont également intégrés, avec une attention particulière portée aux difficultés de certains usagers à comprendre des représentations abstraites. Enfin, la phase se conclut par la création d'un carnet de restitution, récapitulant les idées de chaque groupe et servant de fondement pour la phase suivante.

  • Phase 4 : Itération

    La Phase 4, est une étape clé du cycle de conception, caractérisée par l'ajustement et l'amélioration continus des solutions en fonction des retours des parties prenantes. Cette phase consiste à affiner les solutions proposées à travers un processus itératif. Les architectes analysent les commentaires, améliorent et testent les solutions jusqu'à atteindre l'optimum pour répondre aux enjeux clés.

    Les solutions de conception sont développées et ajustées en fonction des données récoltées. L'objectif est de s'assurer que les solutions sont viables et utiles dans le monde réel, tout en facilitant la transition de la conception à la mise en œuvre.

    L'importance de cette phase réside dans son processus répétitif de test, d'analyse, d'amélioration et de réitération, essentiel pour optimiser les solutions finales en termes de performance, de faisabilité et d'adéquation aux besoins des parties prenantes. Cette phase implique des jalons clés tels que la revue des prototypes, les séances de test avec les parties prenantes, et la mise en place de mécanismes de rétroaction continue, permettant une intégration efficace des commentaires en temps réel.

    Enfin, les architectes doivent équilibrer méticuleusement les exigences techniques, fonctionnelles et économiques pour répondre de manière optimale aux besoins et attentes des parties prenantes, en tenant compte des enseignements de Rittel & Webber sur la cartographie de la réception des solutions proposées.